
RECENSIONS
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I
Le trio de Belgrade
Le trio de Belgrade
« Peut-on dire d'un roman qu'il est "paradoxal" ?
Un trio, donc : à l'arrière-plan, deux géants : Staline et Tito et leur éclatante mésentente et, presque sur le devant de la scène, un poète trublion, officiellement attaché de presse à l'ambassade britannique. D'un côté, la gravité des horreurs perpétrées dans "les camps de rééducation" créés par Tito dans sa chasse aux Staliniens, de l'autre l'ironie mordante d'un écrivain amoureux, Lawrence Durrell, qui refuse de se laisser « dévorer le cerveau » par la diplomatie ou la politique.
Quant à la forme choisie par l'auteur, elle est le reflet de ce contraste : un empilement de documents souvent glaçants offerts au lecteur sans analyse ni commentaire, réservant la part d'émotion au journal intime d'une jeune professeur de Belgrade arrêtée pour trahison et à la correspondance de l'épouse de Lawrence Durrell déroutée par la conduite fantasque de son mari...
Une oeuvre originale, restituant un pan très peu exploré de l'histoire de "l’Europe de l'Est". »
Béatrice Commengé, autrice d’un livre sur Lawrence Durrell, Une vie de paysages (Verdier, 2016),
dernière publication Alger, rue des Bananiers (Verdier, 2020)


II
Le trio de Belgrade
Lawrence George Durrell n’a jamais aimé l’Angleterre. Il y a peu vécu.
Né en 1912 au Penjab, dans l’Inde impériale, il y vivra jusqu’à ses onze ans, moment fatidique où ses parents l’envoient en Angleterre, afin de recevoir une éducation britannique digne de ce nom. Sans grand succès. Durrell découvre cependant la poésie et publie son premier recueil à l’âge de 19 ans : Quaint Fragments (1931).
Après la mort de son père en 1928, toute la famille rentre en Angleterre, à Bournemouth. Pas pour longtemps.
En 1935, Durrell épouse Nancy Myers et part s’installer avec elle, sa mère, ses frères et soeur à Corfou. Il publie son premier roman, Pied Pipers of Law, et commence une correspondance avec Henry Miller dont il dévore les écrits. C’est le début d’une très longue amitié.
Ses deux romans suivants sont fortement influencés par Miller : Panic Spring (1937) et The Black Book (1938). Il va d’ailleurs s’installer à Paris dans la villa Seurat chez Henry Miller et Anaïs Nin, où il demeurera jusqu’en 1939, date à laquelle il retourne en . . . Angleterre. Pas pour longtemps.....
Nathalie Pageot sur Linkedin
III
Le trio de Belgrade

Je trouve Le trio de Belgrade très bon. Et il me touche, tu penses bien, de près. Plus que tu ne peux l’imaginer d’ailleurs : ainsi j’y trouve par exemple citation du Populaire. Ce journal a meublé, politiquement, toute mon enfance et, je ne me souviens plus exactement de la date de sa disparition, probablement une partie de mon adolescence : mon père, secrétaire de la section socialiste SFIO de Jurançon 64, y était abonné. Je le lisais, sans doute : ce serait donc lui qui aurait guidé mes premiers pas en politique !
Le roman, politico-historique, de Marković plonge le lecteur dans un désarroi qui va bien au-delà de l’évènement politique qu’il raconte (la première fracture du “socialisme réel”) . Je trouve que le procédé de narration choisi par l’auteur : un “collage” d’archives classées dans le seul ordre du temps, traduit on ne peut mieux la violence de son propos. Il laisse le lecteur, notamment celui qui a traversé cette époque les yeux ouverts (je ne dis pas en conscience), en état de sidération. « Ce sont les Hommes qui font l’Histoire », nous dit R. Aron, citant (et tronquant) Marx . Certes ! Puisque là haut il y a le vide. Mais l’Histoire qui advient, réellement, n’est qu’un chaos abominable. Elle n’est pas celle qu’ils croyaient construire, comme l’ajoute Marx. Et, dans cette confusion, ils se trouvent dépouillés des moyens de construire leur propre histoire. Leur vie y est broyée dans le sang, la sanie et leurs hurlements de haine, d’angoisse et de douleurs. Tout cela écrit dans le style administratif d’un foisonnement de rapports, de compte-rendus, d’actes civils ou autres, d’où s’échappent parfois les cris d’une âme en perdition. Stupéfiant, et glaçant, de réalisme.
Un livre dangereux pour les vétérans...ou les novices ! Pour moi...et ma petite-fille Julia, par exemple.
Jean Péré

IV
Le trio de Belgrade
Le trio de Belgrade, raconte l’histoire d’amour, dans la Yougoslavie communiste, entre l’écrivain britannique Lawrence Durrel (1912-1990), et la femme d’un haut dirigeant, dans les années 50, en pleine Guerre froide... Quand la femme finit en prison (ainsi que son mari), Durrell tente tout pour la sauver. Au-delà de l’intrigue, Durrell est à lui seul est un personnage : né en Inde, mis en pension à 11 ans en Angleterre, mort en France, poète, romancier, scénariste et agent du M16 à ses heures, quatre fois marié, il a vécu dans sept pays différents. Dans Le Trio de Belgrade, Goran Marković adopte une écriture singulière, succession de lettres intimes, de notes diplomatiques, rapports policiers et messages cryptés. Une bouleversante histoire, au cœur de la tragique Histoire du communisme du XXe siècle.
Patrick Meney, journaliste écrivain, Prix Albert Londres 1983, a été correspondant de l’AFP à Moscou au temps du communisme. Dès les années 80, dans ses livres sur l'URSS, La Kleptocratie, Les mains coupées de la Taïga et Niet!, il a annoncé la chute du régime communiste.

I
Strahler, peintre
« Julius Strahler est peintre. Le saura-t-il plus, le sera-t-il mieux en vivant l’expérience de la Villa Médicis ? Une année pour chercher, douter, peindre, recommencer. Il s’acharne à élucider les mystères de la création et tenter d’en clarifier les termes. La philosophie, qui lui résiste, l’amitié lumineuse de Lafontaine, les pensionnaires célébrant l’abstraction, Rome et quelques frolements amoureux accompagnent cette quête. Ce texte est une promesse de jubilation littéraire et existentielle. Un livre d’importance, intense, affranchi et joyeux. »
Linda, libraire, Le Passeur de L’Isle (84)
II
Strahler, peintre

« Strahler (lui), Lafontaine (moi). Nous sommes tous les deux peintres, pensionnaires de la Villa Médicis. François,
écrivain, lors de ses visites à Rome, nous observe à notre insu. Il prend des notes minutieuses. Ce travail aboutit à ce roman intense et profond. J’y tiens mon rôle. Est-ce dans ce roman ou dans la vie que j’eus le privilège de rencontrer cet homme, cet artiste inoubliable, cet ami qui me manque tous les jours, Strahler ? »
Jerome Lagarrigue, artiste peintre, New York

III IV
Strahler, peintre
« J’aime beaucoup Strahler, peintre, ça me parle énormément et c’est très bien vu ! À rebours des discours officiels... Et j’ai compris les dessous de cet ouvrage, c’est très émouvant.»
Guillaume de Monfreid, écrivain et peintre
« Je me suis régalée avec Strahler, peintre et je vais le recommander autour de moi. »
Bénédicte Bost, Vaucluse Matin

I
Fragiles Rivages de Annie Drimaracci
J’écris mais au-delà de l’écriture, je revis.
Une bouteille à la mer
Fragiles rivages est une lettre de 165 pages qu’une femme, en l’occurrence la narratrice, adresse à un homme qu’elle a aimé et qui n’est plus à ses côtés. Elle le désigne par la lettre M, sans doute la première lettre de son prénom, le tutoie, et le 2 novembre 2020, signe sa missive : Else. C’est une bouteille qu’elle jette à la mer en espérant qu’elle cognera un jour contre les rivages de cet homme dont elle est sans la moindre nouvelle.
La rupture n’est pas très ancienne et la superficie de la plaie semble par moments dépasser celle du corps. Pourtant, la narratrice demeure consciente que cette relation ne pouvait pas aller plus loin, qu’elle se trouvait dans une impasse existentielle :
Nous nous étions peu à peu trouvés aux antipodes, chacun ne parvenant plus à supporter les orientations politiques de l’autre.
Or, à propos des antipodes, celle de la France est un archipel perdu au milieu du Pacifique sud rattaché à la Nouvelle-Zélande, sans oublier que la circonférence de la Terre est de 44 000 kilomètres et des poussières. Si Else est délibérément engagée au côté des revendications sociales de la classe ouvrière, M. restait enfermé dans une sorte de tour d’ivoire. Il se plaisait dans un confort égoïste qui lui permettait de demeurer à l’écart des agitations du monde. C’est lors d’une promenade dans les montagnes que la rupture est devenue inexorable et définitive. Les mots ont leur sens dans ce livre, en particulier les adverbes. Parvenu au sommet de sa relation, le couple ne pouvait pas aller plus haut, ou plus loin. Il se trouvait DÉFINITIVEMENT sur l’autre versant, celui de la descente, et de la rupture.
Dans sa solitude, et sa souffrance, la narratrice est à l’affût de la moindre manifestation de cet homme qui se mure dans le silence. Puis, un jour, elle sursaute en tombant sur un post qu’il vient de publier, avec sa photo, « sur la toile ». C’est une grande surprise pour elle car le choix de cette photo n’est pas anodin : elle l’avait prise elle-même alors que la confiance liait le couple. S’agit-il d’un signe de la part de M. si silencieux ? Affiche-t-il ainsi une volonté de réconciliation et d’un retour impossible puisque, on le sait bien, on ne peut se baigner deux fois dans la même rivière ?
La magie salvatrice du verbe
Cette photo déclenche chez la narratrice une envie irrésistible d’écrire, de rassembler les débris, de revisiter son passé avec M. et sa vie en général. Else se met devant l’écran vide de son ordinateur et arpente les décombres des ponts si brutalement coupés :
Il a cueilli mon chagrin. Le chagrin depuis des mois voué à ce silence sans nom, il m’a aidée à le porter, par sa présence dans l’absence. Sans l’once d’une ambiguïté, avec le plus grand naturel. Comme on tend la main à quelqu’un au bord du chemin pour le relever avant de continuer le sien. Et c’est ainsi que cela s’est passé. Je me suis relevée, j’ai repris ma route et quelques semaines après, l’usage de l’écriture m’est revenu et cette idée un peu insensée de t’écrire s’est imposée.
Le portrait de la narratrice se dessine grâce à une succession de touches de couleurs chaudes. Étrangère à toute idée de religion, “hormis celle de rendre quotidiennement grâce à la Nature et à la Création“, elle fait un séjour de deux jours dans un monastère du Carmel qui la marque profondément. Mais ce qui lui permettra de retrouver une sérénité plus durable, c’est son retour sur son île, la Corse, et c’est aussi le sentiment d’immortalité puisé dans ses souvenirs d’enfance :
Alors j’ai traversé la Méditerranée, je suis revenue sur l’île que je porte dans mon cœur, au village où je laisse toujours une part de moi en m’en allant.
Partant du manque, elle demande à son histoire personnelle, intime et individuelle de rejoindre la grande histoire. C’est Victor Hugo qui avait dit : “Hélas ! Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous”. Elle veut que son expérience serve à quelque chose :
… un petit manuel de survie, une sorte de guide pour parvenir à ce lieu que nous cherchons tous, contre vents et marées, et nous sentir après tant d’errances, indéfectiblement à notre place.
Devant la tâche accomplie, elle semble résumer tout ce qu’elle éprouve dans une ode de William Wordsworth :
Même si rien ne peut ramener l’Heure / De la splendeur dans l’herbe, de la gloire dans la fleur ; Nous ne nous affligerons pas, mais trouverons plutôt / Une force dans ce qui en subsiste.
Fragiles rivages est un très beau témoignage relaté dans une langue fluide et particulièrement sensible. Ainsi qu’on peut le lire, fort justement, sur la quatrième de couverture, ces 165 pages, de petit format, sont faites de réflexions sur la souffrance, la solitude, la colère, l’humanité, la nature, le pardon, et la grâce.
Annie Drimaracci est agrégée de lettres modernes. En 2011, elle a publié Première Pierre, un récit sur ses racines corses à Cargèse. Fragiles rivages est son second livre paru aux éditions Plan B, co-réédité chez SCUDO édition. L’écriture d’Annie Drimaracci est aussi le fil conducteur de ses encres, collages et totems, notamment exposés à Cavaillon, à L’Isle-sur-Sorgue, au château de Lourmarin et à Bagnols-sur-Cèze.
Fawaz Hussain, chroniqueur pour Mare Nostrum